Hier soir j’ai regardé un documentaire sur ma chaine chérie Arte, à propos du chateau de Neuschwanstein. Au delà de ce très bon exercice d’articulation, ce chateau construit par le roi Louis II de Bavière est un lieu qui m’attire depuis assez longtemps. Et pas seulement moi puisqu’il a inspiré WaltDisney, a été le lieu de tournage de différents films, de Ludwig de Visconti (que je recommande!) à . Il est visité tous les ans par plus d’un million de personne, c’est le chateau le plus visité d’Allemagne. C’est une vieille idée qui resurgit de faire un tour des chateaux de Louis II de Bavière, incluant Nymphenburg, Hohenschwangau (pas mal aussi pour l’articulation), Linderhof, Herrenchiemsee, et bien sûr Neuschwanstein.
Ce matin, je tombe sur un bref descriptif d’une partie de l’EuroVélo 8, en Istrie, cette petite péninsule qui s’étale de l’Italie, la Slovénie, et la Croatie. J’y étais passé rapidement il y a quelques années, lors d’un voyage en Slovénie (en voiture!). Un trajet d’a priori 700km.
Tout cela me plonge brusquement ce dimanche matin dans la reflexion sur mes prochains voyages à vélo, et me rappelle les idées précédentes. Il fait assez moche, il pleut même en fin de matinée. L’idéal pour s’occuper de planification. Il y avait la Grèce, Istanbul, en passant par les Balkans. Donc plutôt les confins de l’Europe. Et puis il y a la descente du Danube, à partir de la source du Danube. C’est un trajet de plusieurs milliers de kilomètres, peut être je peux en faire une partie? Pour sa traversée de nombreux pays de l’est de l’Europe. Ensuite, les villes de l’empire autrichien, Salzbourg, Vienne, Munich, voire même Venise, en traversant les alpes, via Trento et Verona. Pour un voyage dans l’histoire de l’Europe, et sa culture. Je me mets à planifier, pour voir, des itinéraires dans Komoot. Je regarde les trains aussi, je découvre qu’on peut faire Zagreb-Paris en train en une journée. Les idées fourmillent dans ma tête.
Quel sera mon prochain voyage, ou mon prochain voyage en été? Et lequel j’aimerais décrire? Et lequel vous plairait de voir décrit? Vous pouvez mettre vos propositions en commentaires. Je ne vous promet pas de les écouter, mais qui sait, ça peut m’inspirer.
Ce voyage a été mon plus long voyage à vélo à ce jour. Plus de 1000km, 10000m de dénivelé, trois semaines. Qu’est ce que j’en retiens?
La météo
J’ai eu une chance énorme, j’ai eu trois semaines de beau temps. Seulement un orage, un soir, en dernière semaine. Quelques journées grises, mais jamais complètement. C’est exceptionnel pour la Bretagne. Et j’ai eu un seul jour vraiment chaud au fond de la rade de Brest. Ça m’a permis de partir à l’heure que je voulais, de finir à l’heure que je voulais, et profiter de journées complètes pour pédaler et visiter. Et de profiter de la très belle lumière bretonne.
Le partie physique
C’était physiquement difficile, en particulier les dix premiers jours, dans le côtes d’Armor. Jusqu’à Roscoff. J’ai eu mal au genou dès le début. D’abord une gêne légère, puis une gêne plus grande. J’ai pris des anti-inflammatoires dès le deuxième jour, j’ai même doublé la dose prescrite, et je me suis demandé si j’allais pouvoir continuer au bout de 4-5 jours. Ca a forcément miné un peu mon moral, je me suis mis à gamberger pas mal (je ne suis plus capable de faire ça, je suis trop vieux,…). La pause à Santec m’a fait vraiment du bien, et puis le Finistère est arrivé, et le relief s’est adouci. Et mon mal au genou s’est lentement atténué et a carrément disparu en dernière semaine. Je pense que c’est un voyage exigeant physiquement, et mérite un petit entraînement physique avant de partir. Quand je fait le bilan du dénivelé parcouru, j’arrive à 10000m de dénivelé cumulé, alors que l’altitude maximum de tout le voyage, hors Menez-Hom, était de 150m!
La partie vélo et bagages
Rien à dire, j’avais tout le bon matériel, je n’ai rien regretté et rien ne m’a manqué, à part une petite pochette me permettant d’avoir mon appareil photo à portée de main, plutôt que dans mon sac à dos. La partie électronique, avec tous mes appareils à recharger (téléphone, compteur GPS, appareil photo, caméra, drone, montre, lumières et donc batteries) est toujours source de charge mentale importante. Trop importante. À méditer, soit ajouter un panneau solaire, mais je doute du rendement, soit une dynamo dans le moyeu de roue avant. Soit à simplifier encore.
Sinon, il y a eu un peu de casse matériel, mais les deux fois je ne pense pas que c’était évitable, ou bien qu’il s’agit des conséquences d’un manque de préparation du vélo. Je pense que c’est soit la malchance (patte de dérailleur arrière), soit l’usure normale des composants (dérailleur avant). Mon vélo a 6 ans maintenant, et doit cumuler dans les 25000km minimum. L’avenir dira si je dois changer de vélo.
Le couchage
C’est mon premier voyage 100% camping. Ce n’est pas vraiment un choix, sachant que c’est difficile de planifier toutes les étapes d’un voyage de 3 semaines, il peut y avoir des aléas, on l’a vu, qui peuvent casser la planification. Et il n’y avait cette année aucun hôtel ou gîte disponible le jour même, tout était réservé en Bretagne. Et même les campings étaient complets. Heureusement il y a toujours une place pour les randonneurs sur le GR34 et les cyclistes. Parmi tous les campings que j’ai fait, je suis arrivé à la conclusion que les campings municipaux sont le mieux. Loin des usines à touristes que sont les grands campings multi-étoilés qui font de l’hôtellerie de plein-air.
En terme de matériel, c’est rodé maintenant, y compris la manière de me retourner quand je me réveille dans la nuit. La tente en particulier est au top. Juste, c’est quand même long de s’installer le soir et désinstaller le matin.
Mon camping préféré? Le camping du Seillon, au fond de la rade de Brest. Très bien placé, gérants très sympa. Mention pour le camping du Portez, aussi en rade de Brest, l’espace campeur est bien mieux que les emplacements pour camping car. Et le camping de l’île de Bréhat…
La partie Bretagne
Pour un vrai tour de Bretagne par la côte, il faut compter à mon avis plus que 3 semaines, 4 voire 5 semaines sont nécessaires. J’ai été un peu frustré de ne pas pouvoir aller en presqu’île de Crozon, d’aller à Quimper, d’aller à la pointe de Penmarc’h. De mieux visiter le golfe du Morbihan et le Morbihan en général, que je connais moins que le reste. Ce sera d’autant plus une raison d’y retourner. Mais ce voyage n’était pas un voyage découverte comme les précédents. Mais plutôt un voyage de pèlerinage sur les lieux que j’avais déjà visités, il y a très longtemps. Une sorte de Pardon breton, en somme.
Le récit du voyage
Il me semble que je n’ai pas parlé beaucoup de la Bretagne, finalement, dans ce récit de voyage. Mais que j’ai plutôt parlé de moi en Bretagne. Une sorte de tour de moi en Bretagne. Ma Bretagne. C’était agréable de revenir sur ces terres, de raconter à la fois mon histoire sur ces terres, et l’histoire de l’histoire. J’y ai pris beaucoup de plaisir, ce n’était pas prévu comme ça, et j’espère que ce récit vous a plu si vous l’avez suivi. Il est aussi fait pour vous.
Le mot final
Voyager à vélo, en autonomie, est une expérience vivifiante. Je ne peux que vous recommander, si vous avez un minimum d’affection pour le vélo, à essayer, deux ou trois jours, de prendre votre vélo, un sac ou deux, et de partir, seul ou à plusieurs, à la découverte d’une région, même autour de chez vous. Je ne veux pas faire de grand discours sur notre époque ou nos existences connectées et sédentaires, mais se sentir capable, tout seul, en totale liberté, de visiter des lieux inconnus et de faire des tas de rencontres très souvent enrichissantes est une expérience irremplaçable à mes yeux. Même en vélo électrique si vous voulez. La France est un pays avec un réseau de train incroyable, les distances sont courtes, et les endroits où loger innombrables. Si vous cherchez un conseiller, vous savez à qui vous adresser. J’ai rencontré énormément de gens en voyage à vélo cette fois-ci, peut être plus que jamais auparavant, et aucun ne m’a semblé fatigué, lassé, prêt à arrêter, ou à regretter. Aucun ni aucune. Il n’y a pas de petit voyage, il n’y a que de grandes découvertes. Et comme je dis toujours, à vélo, on est en décapotable.
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Alors, ça fait quoi de finir un tour de Bretagne de 3 semaines, et plus de 1000km? Envie d’arrêter? Et bien en fait je pourrais continuer je pense. Je ne suis pas fatigué, je n’en ai pas marre, physiquement je me sens de mieux en mieux, le temps est très beau, très agréable, je sens une chaleur un peu différente, plus humide. Je vais voir les marais de Guérande, et finir à la Baule. C’est une étape d’une soixantaine de kilomètres, grâce à l’avance que j’ai créé les deux jours précédents. Mais ce n’est pas si plat que ça. 400m de dénivelé quand même. Il fait très beau.
Arrêt sur une aire de repos de la V45, où je finis mon déjeuner avec des pêches plates excellentes.
J’arrive dans les marais, et j’achète un kilo de sel, car je sais que je n’en ai plus à la maison. L’occasion d’utiliser mon nouveau porte bagage avant dont je suis très fier, et qui a servi aussi à transporter le déjeuner, des tranches de porcelet roti achetées au marché de Muzillac.
Mon nouveau porte bagage super léger et super pas cher, bien utile.
Arrivée à la Baule, au Pouliguen plus exactement, et je vais chez le glacier comme le l’a recommandé la fille du camping ce matin. Je prends une glace fraise-nectarine-tarte au citron. C’est vrai que les glaces sont hyper bonnes. La glace à la fraise est incroyable en particulier. Puis arrivée à la Baule, le front de mer, avec un air de promenade des anglais dont je ne me souvenais pas. J’ai fait une mission aux chantier de l’Atlantique, j’étais à l’hôtel à Pornichet. Parfois, le soir après le travail, je faisais ce front de mer en rollers. Ça me paraissait plus « simple » qu’aujourd’hui. L’ambiance de la Baule me choque par rapport à tout ce que j’ai vu en Bretagne, en particulier dans les campings. Je ressens un public plus citadin, pour ne pas dire parisien. Normal, je ne suis plus en Bretagne! Je suis dans les pays de la Loire, et ça n’a rien à voir.
Le mont Saint Michel me paraît maintenant tellement éloigné. Mais je suis content d’être arrivé, dans les temps. La Bretagne est une région magnifique et variée, à l’image de la France.
Les attractions principales de cette étape sont les alignements de Carnac et le golfe du Morbihan. Mais il y a aussi la rivière d’Etel, dite Ria d’Etel, et m’y arrête pour filmer avec le drone. C’est un endroit que je ne connais pas et qui mériterait que j’y revienne. Le temps est au beau aujourd’hui et on sent nettement que le climat est différent maintenant, comparé au sud Finistère. Plus doux. D’ailleurs les gens ne s’y trompent pas, et sont attablés en terrasse du village de Pont Lorois. Départ pour Carnac, et découverte des alignements du Menec. C’est la première fois que je les vois. C’est étonnant. À la fois ce sont des champs de cailloux, avec les touristes qui tournent autour, et en même temps, si on se rend compte que ces alignements datent de milliers d’années, du Néolithique, c’est impressionnant, et la signification et l’usage de ces mégalithes sont encore inconnus.
Les alignements du Menec et de Kermario
Je suis sur la V45, la Littorale, une véloroute avec pas mal de passage en chemins et c’est bien agréable. Je continue comme ça et avance vers le golfe du Morbihan. Il y avait deux options : passer par le nord, et Vannes, très belle ville dans mon souvenir, et par le sud, en prenant le bac. Bien sûr j’avais choisit d’inclure le bac dans mon itinéraire. Le dernier bac de ce voyage. Le traffic de vélo s’intensifie aux abords de Locmariaquer, et il y a une ambiance vraiment estivale. Le temps est super beau, chaud mais pas trop, une lumière intense, très pure, très Bretonne. Il y a énormément de bateaux sur le golfe de Morbihan. Petite attente et je prend le bateau. Je discute avec le passeur et son assistante. Elle est originaire de Sainte Marine. Il y a un chien Golden retriever sur le bateau, qui se ballade tranquillement, et qui a drôlement la patte marine! Ils m’apprennent que le gouvernement a voulu abroger la loi littoral pour la Bretagne, mais que ce n’est pas passé. Ils ont eu peur d’avoir la baule dans le golfe. Traversée jusqu’à port Navalo très sympathique.
Embarcadère à Locmariaquer
Arrivée à Port Navalo, je me rend chez Pierre, qui a fait construire sa maison à Saint-Gildas-de-Rhuys. Je passe un moment avec eux, je prends deux verres d’eau pétillante bienvenus, Pierre me propose d’aller me baigner à la plage toute proche, mais je refuse car je veux avancer jusqu’à Ambon. Départ pour encore une vingtaine de kilomètres, pour arriver à un des 22 campings d’Ambon. Cette fin de journée est très belle, une grosse partie en chemin. La lumière, le soleil se couchant derrière moi, c’est hyper agréable. Encore une belle étape de 92km et 500m de dénivelé quand même!
Je pense que le golfe du Morbihan, la Ria d’Etel, peuvent donner lieu à un voyage spécifique à l’avenir. C’est très beau, varié, très peu vallonné. Peut être même un mélange vélo-voile. Y-a-t-il des amateurs?
Il me reste trois jours, pour atteindre La Baule, terme de mon voyage. à peu près deux cent dix kilomètres, donc 70 par jour. C’est beaucoup. Ce voyage a déjà un parfum de fin. Que me reste-t-il à voir? Concarneau, ville hautement touristique, où j’étais allé enfant en vacances. Lorient où j’avais fait un stage en cabinet d’architecture navale (digitalisation de la conception des bateaux de pêche). J’y avais vu des dessinateurs sur table à dessin, qui utilisaient des règles en plastique flexibles pour former les courbes des coques de bateaux, fascinant. Mes amis Christine et Erwann, connus chez Joseph Gibert! Mais ils sont en vacances à Groix. Groix ou justement j’avais passé trois jours avec mon ami Dominique qui m’avait fait découvrir le mouvement des épis de blé qui ondulent avec le vent, la mer qui étincelle au soleil.
Il me reste aussi Carnac et ses alignements, que je n’ai jamais vus, le golfe du Morbihan, où j’étais allé avec Dominique et Rolf, un week end, la famille de sa copine avait une maison sur une île, et je me souviens qu’on s’était tapé là bas de gros délires. Peut être Pierre qui s’est fait construire une maison près du golfe du Morbihan. Et les marais salants de Guérande.
Beaucoup et peu de chose à la fois. Étrangement (?), le cœur n’y est plus tout à fait, l’envie d’aller vite et de clore ce voyage. Pas l’envie de rentrer, mais l’envie de finir. Donc je vais appuyer sur les pédales, et même avoir de plus en plus de sensations sur le vélo. D’abord je monte de plus en plus souvent en danseuse. Au lieu de monter au train, se mettre en danseuse permet de mettre plus de puissance dans le pédalage. On ne peut pas monter un col comme ça, mais ponctuellement ça détend les muscles, et surtout ça permet de passer une petite bosse rapidement, plutôt que de la subir. Ensuite je me mets à tirer sur les pédales, ce qui me permets de passer les bosses plus rapidement, voire même en accélérant! Ça veut dire que ma condition physique s’est améliorée grandement pendant ce voyage. Je précise que j’utilise des pédales automatiques, avec les chaussures adaptées. Ça veut dire que la chaussure est clipsée sur la pédale, et donc on peut non seulement appuyer sur la pédale, mais aussi tirer sur la pédale, en remontant le pied. J’ai ces pédales depuis l’achat de ce vélo, et je ne voudrais pas m’en passer. Mon matériel en général est optimisé et ça fait partir de mon envie de faire du vélo en voyage, que d’être optimisé et de pouvoir aller vite : mon vélo est en carbone, est nerveux mais aussi très léger, autour de 9kg. J’adore mon vélo. Ensuite j’ai le minimum de bagage, probablement autour de 8kg, et on me le fait souvent remarquer. « Quoi, vous n’avez que ça comme bagage? » « Mais elle est où la tente? » Le but pour moi est d’avoir le minimum de matériel, de se satisfaire de l’essentiel, du strict minimum. Pas de se mettre en danger, mais d’être en conditions de vie minimales. Et ça me permet d’être léger, et pouvoir continuer à avoir du plaisir à faire du vélo, presque comme sans bagages. Presque.
Je passe Fouesnant, ville très mignonne, puis Port La forêt. Arrivé à Concarneau, je prends encore une fois un bac, c’est sûrement le plus petit bateau que j’aurais pris. Je traverse la vieille ville, à pied, ce qui est une mauvaise idée vu le nombre de touristes. Cependant je découvre une partie de la ville fortifiée que je ne connaissais pas. J’enchaîne avec Pont-Aven, je pense aux galettes et à Jean-Pierre Marielle, mais je ne m’arrête pas. Puis Riec-sur-Belon, sans m’arrêter manger d’huîtres plates. Le temps est gris depuis l’orage de la veille, qui n’a pas fait beaucoup de dégât puisque j’étais au camping, où j’ai vécu une scène de loto mémorable. Je passe la rivière inconnue, La Laïta, qui sépare le Finistère du Morbihan. Le quatrième département de la Bretagne. Je continue et je passe à Ploemeur, découvrir la librairie Sillage des mes amis Christine et Erwann, j’arrive à Lorient et passe avenue de la Perrière. Où j’ai fait un stage en architecture navale. J’avais complètement oublié cette époque. Le quartier est un peu à l’abandon… c’est tout près de l’embarcadère pour traverser le Blavet, cette rivière qui borde Lorient. J’arrive quand le bateau va démarrer, je monte, il va à Locmiquélic. Ce n’est plus un petit bateau, mais carrément un bateau de transport municipal. Je rejoins le camping municipal de Port Louis. Je découvre cette ville, qui est minuscule mais très jolie, aux maisons en pierres, avec sa forteresse. Je « dîne » dans une baraque à frite sur le port, saucisson et rillettes de poisson. Séance écriture aussi, et c’est le patron qui ferme qui me met dehors. Une étape très roulante, 83km, mais quand même 717m de dénivelé!
Cette étape est émotionnellement intense. Pourquoi? Parce qu’elle passe par l’île Tudy. L’île Tudy est là où j’ai appris la voile, adolescent, mais surtout la planche à voile. J’avais 15 ans quand sont apparues les première planche à voile en Bretagne. Je devais être drôlement motivés et insistants pour que mes parents me paye un cours de plusieurs jours sur cet engin. Nous étions en vacances à l’île Tudy, qui est en fait une presqu’île, je devais m’ennuyer ferme, et ces drôles d’engins jaunes, comme une sorte de requin inversé, nageoire dorsale jouant le rôle de dérive, devait m’hypnotiser. Et surtout de voir les gens monter dessus, tirer sur la voile et partir au large. L’apprentissage était long et pénible, l’équilibre était difficile à obtenir, et surtout que les premiers pratiquants, comme moi, ne connaissaient absolument rien à la voile, et donc, quand ils arrivaient enfin à lever la voile et à partir, tout contents, se faisaient régulièrement emmener par le vent sans pouvoir revenir. Je ne sais pourquoi, je n’ai pas eu trop de mal à apprendre. L’année suivante j’étais à l’école de voile, le matériel avait évolué, le Windsurf était arrivé, nous naviguions sur des planche Oceanite. Et j’ai passé deux semaines à faire de la planche une demi journée tous les jours. Mais ce n’était pas assez. L’année d’après je faisais un stage de planche où on naviguait toute la journée tous les jours. Je ne pensais qu’à ça. Certains jours, le vent soufflait fort, il y avait un mètre de vague, et je continuait à me taper la bourre avec les dériveurs, toute la journée. Le moniteur disait à ma mère qu’il ne savait pas comment, avec mon gabarit, une ablette, je pouvais tenir comme ça toute la journée. À 18 ans, mon premier boulot d’été chez Joseph Gilbert me servit à m’acheter ma première planche à voile, une Crit 630, une planche de régate à la mode. Puis apparurent les petites planches de vague. C’était l’avant dernière année à l’île Tudy. Sur la plage du Treustel. Les jours de grand vent, plus de 20 noeuds, force 4, manipuler des planches de 3m et 6m2 de voile dans les vagues, était presque impossible. Même pour les gaillards comme moi. Et il y avait deux types, seulement, qui continuaient à sortir et faire des allez-retour sur l’eau. Ils avaient des planches plus petites, entre 2m et 2,5m, des voiles plus petites aussi, le matériel était beaucoup plus léger. Et surtout la pratique avait changé. Ils partaient de la plage en tenant la voile debout à deux mains sur le wishbone, attendaient la bonne force de vent, montaient sur la planche et démarraient directement. Et non plus en tirant sur le tireveille comme avant. Il y avait une impression de facilité incroyable. C’était la classe. J’étais littéralement fasciné. Je me vois encore les regarder, aller et venir, alors qu’il n’y avait personne d’autre sur l’eau. L’année suivante j’achetais un BIC show, et je démarrais la planche dans les vagues. C’est à cette époque que j’avais acheté une veste verte de marin, au col doublé de moumoute, au tissu si épais et serré que le vent ne pouvait pas pénétrer. Ça me permettait de rester sur la plage à observer ces gars là sans avoir froid pendant des heures. Puis vint la session à sainte Anne la Palud, puis le stage à l’Ifremer à Brest. Mais tout démarra à l’île Tudy.
C’est dire si cette étape est importante. Une courte étape, départ de Penhors, direction Pont l’Abbé, puis Loctudy. Je ne reconnais pas Pont l’Abbé, mais Loctudy n’a pas changé. Le Port en tout cas. Ce coin est connu pour la pêche aux langoustines, depuis le Guilvinec. Je me souviens qu’on était allé un jour à la criée ici. Puis je prend le bac (j’adore les bacs) pour l’île Tudy. Je prends un aller simple directement sur le bateau. Rien ne semble différent, il y a toujours cette large baie intérieure avec un petit port et des bouées d’amarrage. On ne sait pas à qui ces bouées appartiennent, Loctudy ou l’île Tudy. Arrivée sur la petite place du port, et… eh bien c’est pareil. Les mêmes immeubles, à droite, le petit immeuble où les parents avaient loué un appartement pour la sœur, une copine à ma sœur et moi. Même la couleur est la même. Les mêmes fenêtres en alu. Et puis les cafés qui sont là. Et en particulier celui du fond, avec son phare noir et blanc. C’est là qu’on se retrouvaient avec les autres élèves de l’école de voile, les moniteurs aussi, après les cours. Je crois qu’il y avait un flipper.
J’ai mille souvenirs ici à l’île Tudy. Je ne peux les raconter tous, je ne le peux car il s’agit plus souvent de sensations, de moment, que de vrais souvenirs. Peut être le plus marquant est justement cette année où j’étais avec la sœur. Je faisait un stage de voile cet année là. J’étais pote avec un moniteur, qui avait sa copine au camping. Un soir, parce qui avait accès au hangar, nous prîmes des planches à voile, et partîmes naviguer sur l’eau, de nuit. C’étaient des planche Alusurf, des planches très larges, dont la coque était en aluminium, et creuse. Nous partîmes de derrière la presqu’île, sortîmes du port, et allâmes jusqu’au phare de Loctudy. En revenant, nous vinrent devant la grande plage de l’île Tudy, et parce qu’il avait déjà repéré le coin, nous allâmes relever des casiers à crabe et araignées de mer. Nous remontâmes notre butin sur le devant des planches, accroché avec des bouts qu’on avait du préparer. Et nous rentrâmes à la maison. Je me souviens de ce retour, la nuit, la vision de la côte, éclairée de quelques lumières de maisons seulement, les étoiles, pas de lune, et la planche qui glissait sur l’eau avec un son un peu creux des vagues sur la planche. C’était absolument magique. Je crois qu’en rentrant on s’était un peu fait engueuler par ma sœur, parce que bien sûr c’était interdit. Mais nous nous étions régalés avec les araignées !
Je tourne dans les ruelles de l’île Tudy, les souvenirs reviennent les uns après les autres. C’est le moment le plus émouvant de ce voyage. Ma sœur va probablement pleurer en lisant ces lignes et visionnant ces photos.
L’immeuble où j’étais avec ma sœur, sur la place du portLa place du portLe bar où on se retrouvait après les coursLe phare est toujours làLa rue de l’école de voile. Je m’y revois encore !La plage du Teven La plage du Treustel, au bout, Sainte MarineL’île Tudy
Je quitte l’île Tudy, par la plage du Treustel, et vais vers Sainte Marine et Bénodet. Fort heureusement, les dunes qui séparent l’île Tudy et Sainte Marine sont intactes, il y a une piste cyclable en sable dur qui permet de longer la mer. Je connais assez peu Sainte Marine, et c’est un super joli village qui est resté aussi tel quel. Assez, voire, très bourgeois, très différent du public de l’île Tudy, plus populaire. C’était déjà comme ça à l’époque. Les choses changent peu finalement. Je prends de nouveau un bac (j’adore les bacs), pour passer à Bénodet. C’est une des premières stations balnéaires bretonnes, dès le XIXème siècle. C’est aussi la ville d’Éric Tabarly, et de son Pen Duick VI. Personnellement, je n’aime pas trop cette ville, elle n’a pour moi pas grand chose d’authentique, ici on pourrait être un peu n’importe où. Je passe mon chemin donc, et vais finir cette journée à la pointe de Mousterlin. Je suis sur la Riviera bretonne maintenant donc les campings sont chers et sans âme. Un changement d’ambiance se présente maintenant…
Aujourd’hui il n’y a qu’un endroit au programme. Mais quel endroit. Je pense que tout le monde est allé à la pointe du Raz une fois dans sa vie. Non? C’est un cap ultra connu en France, probablement le plus connu. La fin de la terre, Finistère?
Départ du camping de Douarnenez, la route est assez plate. Mon seul arrêt sera Beuzec Cap Sizun des cyclotouristes sont arables devant une boulangerie, je m’arrête et leur demande si le café est bon ici, ils me disent que oui et le pain est excellent aussi. On discute 5 minutes puis je rentre dans le magasin, et commande un sandwich au rôti de porc. Tout est sur mesure, il faut tout demander, mais tout semble possible. J’avise aussi des petits gâteaux bretons au caramel. La vendeuse me dit qu’il y a deux sortes, soit à la farine de froment, soit à la farine de blé noir. Ces derniers sont en forme de cœur. Évidemment je prend un de chaque, et vais manger tous ça sur la pelouse en face. Le pain est en effet génial. Quand aux gâteaux ils sont vraiment excellents tous les deux, pas trop sucrés, mais j’ai une légère préférence pour celui à la farine de froment. Mais c’est parce qu’il faut faire un choix.
À gauche blé noir. À droite Froment.
Arrivée à la pointe du van, c’est la pointe qui ferme la baie de Douarnenez. Entre cette pointe et la pointe du Raz, c’est la baie des Trépassés. Il y a de la brume, mais plus on se rapproche et plus il y en a. En fait, une poche de brume est coincée dans la baie, et s’échappe vers le haut lentement. Ambiance.
Passée la baie, ça monte raide pour prendre un chemin jusqu’à la pointe du Raz. Arrivé au parking, seuls les piétons et les vélos peuvent continuer pour atteindre la pointe. Nous cyclistes on a une route pour nous tous seuls. Il y a toujours énormément de brume, mais elle semble vouloir se lever, un rayon de soleil éclaire faiblement le phare. Je crois que je n’ai jamais vu la pointe du Raz par beau temps. Et ce ne sera pas le cas aujourd’hui non plus. Mais c’est beau quand même.
S’ensuit une longue descente sur la côte sud du Finistère. Après Plogoff, je longe une longue plage, magnifique, avec une eau magnifique transparente. On se croirait vraiment ailleurs.
La plage de Loc’h
Ça me donne envie de me baigner, et je regarde où je peux trouver un camping sur la côte, avant de rentrer dans les terres (je sais que je dois rentrer dans les terres à un moment, pour aller vers Pont l’abbé). Ce sera à Penhors. J’appelle et c’est bon.
Arrivée à Audierne, pause pharmacie, pour remplacer le stock d’anti-inflammatoires. Oui depuis le premier jour j’ai mal au genou, j’ai donc pris des médicaments que m’a préconisé mon rhumatologue, j’ai même doublé la dose dans les côtes d’armor. Maintenant ça va mieux, je ne sens plus rien ou presque, mais je n’en ai presque plus, donc je dois en racheter.
La sortie de Audierne est chaotique, montée et descentes raides, mais finalement ça s’adoucit, et la route devient presque plate. La côte s’est transformée, c’est maintenant une longue plage jusqu’à la pointe de Penmarch. Ça commence à sentir le sud!
Il y a des étapes marquantes, plus que d’autres. Celles que j’attends depuis la préparation de ce voyage. Et celle qui s’annonce aujourd’hui, c’est du solide. Jugez du peu :
le pont de Terenez sur la rivière Aulne
Le Menez Hom, point culminant de la Bretagne, 330m de haut
Les dunes de Sainte Anne la Palud
Locronan
Le pont sur la rivière Aulne, c’est le souvenir de mes voyages en car les jours de tempête en rade de Brest. J’adore ce coin un peu perdu, sauvage, un peu marécageux aussi, et ses rivières qui se retrouvent presque à sec à marée basse. Le Menez Hom, je n’y suis jamais allé, mais le type au vélo vintage l’autre jour me l’a bien vendu. La plage de Sainte Anne la Palud, c’est là où j’ai fait ma première séance de planche dans les vagues, 2m de haut, j’étais tout seul à naviguer. Mes genoux s’en souviennent encore. Une copine directrice de colonie de vacances, où j’étais moniteur de ski, m’avait invité quelques jours chez elle. Grand souvenir. Elle s’appelait Isabelle. Elle avait un frère avec qui j’ai fait aussi une colonie de vacances, Alain. Il y avait aussi Gwénola, une autre monitrice. Locronan, c’est un village médiéval très joli, où se trouvait une pâtisserie qui faisait les meilleurs gâteaux bretons et kouign-amann que l’on puisse acheter au sud de la presqu’île de Crozon. C’est dire!
Je démarre de mon camping, avec une très belle vue sur la rade, le soleil d’Est éclairant la rade mieux que hier soir.
Le camping du Seillon. Beaucoup de place. La vue sur la rade, l’ancienne abbaye de Saint-GuénoléLes nouveaux propriétaires du camping sont là depuis deux ans, le camping était abandonné depuis 15 ans. Mon camping préféré depuis le début. Pour l’espace, la vue, le calme.
C’est une longue montée jusqu’au Menez Hom, mais du coup les 330m se font régulièrement a priori. Je fais quelques kilomètres et dans un virage, trouve un petit parking qui sera parfait pour un décollage du drone. Je veux faire des plans de la rade et de la rivière Aulne. Je décolle et découvre très vite le pont de Terenez sur la droite. Un pont suspendu, un peu perdu dans la nature. Assez impressionnant. Je suis satisfait et repars. Je passe le pont qui n’est pas rectiligne mais fait une douce courbe vers la droite, avec de petits dégagement pour les vélos pour passer les deux piles du pont.
Ça continue de monter, et je me dis que ça va pas être si facile. J’abandonne définitivement l’idée d’aller dans la presqu’île de Crozon, j’avais un petit espoir, mais avec le retard accumulé, je ne peux pas me le permettre. Et même je me demande si je vais faire le Menez Hom! J’avance sans trop réfléchir, en reportant la décision au dernier moment. Par la route, depuis le camping, ça fait 471m de dénivelé, pour 16km. 3%. C’est pas le Tourmalet, mais ca commence à faire.
Je passe Argol, m’arrête prendre un café, je suis déçu, j’attendais un beau petit village, ce n’est pas le cas. Je reprend la route et j’arrive à la bifurcation pour l’ascension du Menez-Hom. Je consulte la carte, il me reste 1,8km pour les derniers 100m de dénivelé. J’y crois pas! Tout à fait faisable! Ok, il y a des passages à 9%, mais ça ne dure que 1,8km.
C’est parti et j’arrive, à mon rythme, au sommet. C’est grandiose. On voit non seulement la presqu’île, mais aussi la rade de Brest. Et même Brest. Il y a très peu de monde, peut être cinq personnes. La moitié de cyclistes. Je suis très content d’être venu. Presque fier d’être monté jusque là.
Vue de la pointe Bretagne d’en haut du Menez-Hom. La mer à gauche avec la baie de Douarnenez, et la pointe du van, à droite la presqu’île de Crozon, et derrière, la rade Brest. On voit même l’agglomération de Brest.
Ensuite c’est une longue descente vers Sainte Anne la Palud. Mais ce n’est pas si tranquille, d’abord parce qu’il y a de petites côtes bien raides de temps en temps, ensuite parce que les descentes sont bien raides aussi, et je suis debout sur les freins, surveillant chaque gravillon qui pourrait me jouer un sale tour.
Enfin j’arrive sur la plage de Sainte Anne. Je suis surpris parce que j’étais sensé arriver par le haut des dunes, comme quand j’avais amené Nathalie ici. Mais non en fait j’arrive sur la plage. C’est apparemment un endroit prisé par les surfers maintenant. Et je remonte donc sur le haut des dunes. L’endroit n’a pas changé. La taille du camping sur la plage a grandit, mais pour le reste, c’est comme à l’époque. Juste un peu plus d’algues vertes. J’y ai fait ma première séance de planche à voile dans les vagues. Il y avait un vent de fou, des vagues de 2m, je ne plaisante pas, elles étaient plus hautes que moi. Je ressens encore l’accélération quand j’étais rattrapé par la vague et que je me mettais à surfer. Je n’avais jamais ressenti cette sensation là. J’étais tout seul à naviguer là, ces jours là. Je crois que je suis resté deux jours. Deux jours encore parfaitement présents dans mon esprit.
La plage de Sainte Anne la Palud.Sur les dunes de Sainte Anne.
Isabelle habitait une maison au dessus des dunes. On ne voyait pas la mer depuis la maison, sauf depuis la salle de bain au dernier étage, par une petite fenêtre, en se mettant sur la pointe des pieds. J’ai cherché cette maison, je crois l’avoir trouvé. C’est une maison blanche classique, avec les tours de fenêtres en granit. Et je me souviens d’un drôle de petit jardin devant la maison. Il n’y a pas de nom sur le portail, ni même à côté. Probablement le facteur connais tout le monde par cœur. Pas besoin de numéro, ni de nom. Il y a un type dans le jardin, que je ne reconnais pas. J’avance un peu, et avise une poubelle, mais il n’y a pas de nom sur l’autocollant apposé sur le couvercle. Mais j’avance encore un peu et vois une boite au lettres. Je vois le nom marqué mais je ne le reconnais pas. Probablement, la maison a été vendue, comme souvent lors d’un héritage. Dommage. J’aurais bien revu Isabelle, Isa comme on l’appelait. Qu’était elle devenue? Elle avait fait des études dans l’environnement, avait travaillé à la mairie de Rezé, au sud de Nantes, puis à Paris. Mais elle rêvait de pouvoir revenir dans sa région. Elle était assez grande, assez blonde. Avec un joli visage ovale aux pommettes saillantes et aux petits yeux bleus. Isabelle, si tu me lis, écris-moi!
Direction Locronan. Alors Locronan, c’est d’abord un beau village de France, datant de l’époque médiévale, et connue pour le tissage du chanvre et du lin. Mais, à l’époque contemporaine, c’est un village où on trouvait des pâtisseries bretonnes à tomber par terre. Et donc les pâtisseries et crêperies se mélangeaient aux galeries d’artistes locaux et de peinture sur soie. Est ce que ça a changé? Et bien oui, aujourd’hui il n’y a que des pâtisseries et des crêperies. Et la pâtisserie Le Guillou, à côté de la crêperie Ty Coz, une référence, existe toujours. Je rentre et prends un assortiments que je tairai. Juste, le gâteau breton nature est un poil moins bon que dans mon souvenir, moins sableux. En revanche, le kouign-amann est génial.
Mes achats à la pâtisserie Le GuillouLocronan
Direction maintenant Douarnenez. Je n’ai pas de souvenir dans cette ville, mais elle est assez mignonne en fait. Je vais dans un gros camping, Huttopia, qui se trouve sur le haut de la ville. J’arrive en sueur au sommet, et je fais pitié au gérant, qui me trouve un emplacement minuscule en haut au fond. J’accepte, mais c’est quand même limite. Ce soir ce sera lessive complète.
C’est une journée en rade de Brest. Je vais revenir revoir cette ville où j’ai habité quand je travaillais à l’Ifremer.
Je pars du camping (excellent) du Portez, et prend la route de Brest, directement. Sans passez par la plage du petit minou, où nous allions déjeuner et nous baigner parfois au déjeuner. Plage qui n’existe qu’à marée basse. Sans passer par la plage de Sainte Anne, juste en dessous de l’Ifremer, et qui semble méconnaissable. Non, directement à Brest. Depuis Sainte Marguerite, je ne suis plus mon itinéraire, je peux rouler sans guidage tellement je connais le coin. Et ça devrait être comme ça jusqu’au moulin blanc.
Le camping de Portez, vue sur la baie du Trez-Hir
Je passe par Recouvrance, le quartier n’a pour le coup pas changé. Le pont de recouvrance non plus, la rue de Siam non plus. Place de la liberté en grand travaux. La ville est déserte, probablement à cause des vacances. Je prend la rue Jean Jaurès, maintenant ces deux rues sont réservées à un tramway. La boulangerie où j’achèterais de très bonnes crêpes n’existe plus bien entendu. je vais voir le quartier Saint Martin, là où il y avait un bar musical où nous avons passés pas mal de temps. Il passait tout types de musiques dans ce bar, du breton, du Rock, du blues, du jazz parfois. Des mélanges aussi. L’autre attraction était le Vauban, qui lui était dédié au jazz, et où j’ai découvert un paquet de pointures. Peut être la plus grosse claque fut le trio de Joachim Kuhn, avec Daniel Humair, et Jean-Francois Jenny-Clark! Et Eddie Louis. Et puis il y avait le Quartz, avec une programmation de fou, John McLaughlin, Trilok Gurtu, Angelin Preljocaj, Louis Sclavis, Carolyn Carlson,…
La rue Vauban dans le quartier de recouvrance. J’habitais un studio sous le toit dans un de ces immeubles
L’église Saint Martin n’a pas bougé, mais en revanche, je n’arrive plus à passer la chaîne sur le grand plateau, c’est bizarre. Je m’arrête, regarde, le dérailleur avant bouge, ce n’est pas normal. Je regarde de plus près, et vois une fissure dans le dérailleur. Pas de doute, le dérailleur a cassé. C’est vrai que le dernier changement de vitesse avait été difficile, ça avait un peu craqué. Alors nous sommes samedi 16 août. Brest est vide, donc il est fort possible que les magasins de vélos soient fermés. Un petit coup d’œil sur les magasins, j’avise un magasin Culture vélo au nord de Brest. J’appelle, ça ne répond pas. Je décide de m’y rendre. Étonnamment, je suis extrêmement calme. C’est vrai que c’est moins grave que la patte de dérailleur, ça ne m’empêche pas de rouler. Je vais au magasin, qui est fermé quand j’arrive. C’est l’heure de déjeuner, donc il est possible que ce soit juste fermé à ce moment. Je vais moi même déjeuner dans un Wok à volonté juste en face. Je reviens à 14h pétantes et je vois des lumières allumées à l’intérieur. C’est ouvert! Le type me dit qu’il n’y a pas de problème pour changer le dérailleur. Il va quand même vérifier le stock. Et il revient en disant qu’ils n’ont pas le modèle. Il faut allez voir dans un autre magasin, à Quimper.
Manque de chance, j’espérais vraiment qu’ils allaient me le changer. Le gars me demande si j’ai regardé les autres magasins à Brest, je lui dit que je n’en ait pas vu d’autres. Il me cite un magasin Cyclexperts, a un kilomètre. J’appelle illico, c’est ouvert, et ils ont un dérailleur compatible Shimano 105 11 vitesses. Houra! je me rend au magasin qui est en effet très proche. C’est un super magasin de vélo, avec de belles marques. Mais je vais vous épargner la liste…
Bref, ils me changent le dérailleur et je repars avec seulement 1h30 perdues. Je m’en tire bien. Très bien.
Un nouveau dérailleur avant
Je reprends ma route, pour le fond de la rade. Direction d’abord le port du moulin blanc. Puis le pont Albert Louppe. C est un pont au dessus de l’Elorn, qui est réservé maintenant aux piétons et aux vélos, car il y a maintenant un nouveau pont suspendu pour les voitures. Vue admirable sur la rade de Brest, et la sortie vers la pleine mer, fermée au sud par la pointe des espagnols, et au nord par la pointe Saint-Mathieu. C’est par là que entrent et sortent nos sous-marins nucléaires, la force de dissuasion française.
Il fait très chaud, et ça grimpe fort jusqu’à Plougastel. Le village est désert quand j’arrive, mais il y a une supérette ouverte. J’achète deux sodas, trois pêches plates. Et une barquette de fraise de Plougastel! Je mange tout ça sur la place juste devant. Elles sont très bonnes, quand bien même ce n’est plus la saison. Et je suis content d’en trouver encore.
Les véritables fraises de Plougastel
Il fait 34° à l’affichage de la pharmacie. C’est limite, passé 35°, je commence à avoir trop chaud à vélo. Heureusement je m’enfonce dans le fond de la rade, qui est très boisée. Néanmoins c’est assez pauvre en villages, il y a une ambiance particulière, que j’aime bien. Un certain retour en arrière, avec quelques fermes de temps en temps. Et des vues sur la rade magnifiques. Je suis à la recherche d’un camping, et il n’y en a quasiment pas. À force de chercher, je tombe sur un camping qui a l’air un peu perdu, mais pas très loin de mon itinéraire, le camping du Seillou, en face de Landévénec. J’appelle, le type me dit qu’il est ravi d’accueillir les randonneurs et les cyclistes, qu’il y a de la place, et que je peux m’installer où je veux si j’arrive après la fermeture de l’accueil. Adorable. Maintenant que je suis rassuré pour mon camping, je peux profiter de la visite de l’abbaye de Daoulas, que je n’ai jamais visité. Ou plutôt de son jardin, car c’est en fait plutôt un lieu d’exposition, sur le thème des îles en ce moment. Et il y a un jardin, petit, mais très joli, dédié aux plantes médicinales. Il y a aussi un cloître roman. Le vieux village, minuscule, est très joli aussi.
L’abbaye de Daoulas
Redémarrage en direction de l’Hôpital-Camfrout. J’avais un ami dont la famille avait racheté un petit hameau en ruine, et l’avait réhabilité. J’y avais passé un week-end. Et puis ensuite Le Faou. Le village du Faou est très joli, plus encore que dans mon souvenir. C’est vraiment le fond de la rade de Brest ici. Et un des villages du Parc Naturel Régional d’Armorique. Quand je faisais mon service militaire à l’Ecole Navale, à Lanveoc-Poulmic sur la presqu’île de Crozon, je prenais le bateau le matin pour aller travailler à Brest à L’Ifremer. Il n’y avait que des femmes, je supposais des femmes de militaires, qui allaient faire des courses, voir leurs amis, leurs amants? Je fantasmais pas mal sur ces femmes. L’Ecole Navale a un statut particulier pour les militaires, qui sont considérés comme embarqués, alors qu’ils sont en poste à terre. C’est le seul site comme cela. Donc ils touchent un meilleur salaire, ils ont des permissions plus longues. Mais il n’empêche que certains m’ont avoué s’ennuyer ferme, et préféreraient être réellement sur un bateau. À naviguer en mer.
Quand le vent était trop fort pour traverser la rade en bateau, qu’il y avait trop de mer, il y avait des cars de remplacement qui n’avaient d’autre choix que de passer par là, le fond de la rade. J’adorais ce trajet. C’est tellement beau.
J’arrive épuisé au camping, qui est complètement perdu dans la campagne. Du coup l’accueil est bien sûr fermé. Je m’installe donc, le terrain est immense, il y a en fait très peu de monde comparé à la taille du camping, et, privilège, donne sur la rade, juste en face de l’ancienne abbaye de Saint-Guénolé à Landévénec. Installation, douche, juste à temps pour dîner de ce qu’il me reste de nourriture. Comme tous les campeurs, qui sont installés dans des chaises longues pour assister au spectacle du coucher de soleil sur la rade. Dans un calme absolu. Un très beau moment.
Il fallait deux étapes pour cette côte. C’est la côte que je préfère en Bretagne. Peut être celle que je connais le mieux aussi. Celle à j’allais faire de la planche à voile quand je travaillais à l’Ifremer. C’était une époque quand même bénie pour moi. Je suis arrivé en DEA (équivalent Master2), en stage, j’y suis resté pour mon service militaire, à l’école navale où j’étais professeur de mécanique des solides, grâce à l’Ifremer, qui m’a créé un poste de scientifique du contingent en collaboration avec l’école navale. J’ai quand même eu une énorme chance. Et puis j’ai enchaîné avec une thèse de doctorat financée par l’Ifremer, à propos de l’amortissement des vibrations dans les matériaux composites verre-epoxy. Quand j’y pense, c’est quand même drôle, parce que ces matériaux sont des matériaux très rigides, et qui amortissent très peu les vibrations. Un comble quand même d’aller mesurer leur capacité à amortir les vibrations. Enfin, ça m’a occupé en tout 5 ans avec des périodes à Paris et des périodes à Brest. Et ça m’a permis de découvrir cette côte nord (on l’appelait comme ça).
C’était la période du Minitel. Il y avait un service météo France, qui annonçait donnait les prévisions de vents. Vers 11h, on s’agglutinaient devant le terminal. On composait le 3615 météo (probablement), et il y avait une carte qui se dessinait sur l’écran avec des petits rectangles. Je pense que la définition devait être de 100×100, maximum. Mais ça marchait. Ça donnait la force et la direction du vent, en noeuds, dans les stations météo de la côte. S’il y avait plus de 15 noeuds, on décidait de prendre notre après midi. Vers midi, on partait, on allait à la maison charger le material dans la voiture, on passait prendre un sandwich, et on partait. À peu près 30-45 minutes dans mon souvenir. On arrivait, on estimait la force du vent, on choisissait la voile appropriée, et on partait naviguer, toute l’après midi. On rentrait complètement lessive, au sens propre, par la force des éléments, le vent, les vagues, le soleil, le froid aussi. Je me souviens de cette sensation, dans la voiture, au retour vers Brest, d’être lavé de tout. D’être complètement neuf. « Bon! ».
Bon, ce n’était pas tous les jours non plus! Et on allait travailler le week-end pour récupérer. Non, on était sérieux.
Départ de Sainte Marguerite après une petite session d’observation des nouveaux adeptes des engins de plage, kite surf, wing foil, et encore quelque planches à voile. Mais le vent est d’Est, de terre, donc ce n’est pas très sérieux de naviguer ici, avec cette direction du vent. Nous , on ne faisait pas ça. Avec ce vent là, on serait allé à Tréompan. Pour avoir un vent qui nous ramène vers la terre en cas de problème, de casse matériel en particulier. Donc direction Tréompan. Ou Lampaul-Ploudalmézeau. Je ressort des dunes, je m’aperçois qu’il y a pas mal de maisons construites ici maintenant. À l’époque c’était beaucoup plus sauvage.
Les dunes et la plage de Sainte Marguerite
Le vent souffle très fort, ça moutonne sur l’Aber Wrac’h. Je prend la route pour sortir de la presqu’île, jusqu’à rejoindre la route vers Treglonou, puis Saint Pabu. Là, c’est plutôt vent dans le dos, donc je file. J’emprunte de petite routes, mais j’arrive assez vite à Lampol-Ploudal. Il y a une tonne de gens qui naviguent. Avec tous les engins actuels. Je regarde ce spectacle, qui me replonge dans cette époque. Les gestes n’ont pas changés, les allures non plus. Les gens remontent vers la dune une fois qu’ils ont navigué, exténués, ébouriffés. À mi-pente, ils se retournent pour admirer le spectacle. Avec des pensées contradictoires. J’y retourne! C’était trop bon!
Je quitte Tréompan et me dirige vers Portsall. C’est un petit port, à l’ouest, où on allait boire un coup après l’effort. C’est au large de Portsall que s’est échoué l’Amoco Cadix. Cette tragédie a touché tous les français, les images étaient terribles, c’était la première marée noire d’ampleur en France. Mais pour les gens du coin, c’était encore plus terrible. Ces splendides plages et dunes étaient ravagées. Les oiseaux…
Pour fêter mon retour ici, et la disparition du pétrole, je m’offre une douzaine d’huîtres. À cette heure, mi après-midi, c’est tout ce qu’ils peuvent me servir. Mais c’est juste parfait. j’adore les huîtres.
Je quitte maintenant ce coin pour me diriger vers la pointe Saint Mathieu. C’est une des pointes emblématiques de Bretagne. Avec une abbaye abandonnée. Je traverse les villages, d’abord sur la côte, Argenton, Porspoder, Lanildut, puis à l’intérieur, Plouarzel, Ploumoguer. J’évite le Conquet, avec la plage des blancs sablons, où j’ai fait quelques footings avec Marc. Je vous conseille cette plage, une des plus belles plages que je connaisse.
J’ai contacté un camping, je dois arriver avant 19:30. Mais le vent s’est d’est est vraiment fort, et ça va être difficile. J’arrive à la pointe Saint Mathieu, enfin. Mais ça a bien changé. C’était à l’époque assez sauvage, l’abbaye, le phare et c’est tout. Maintenant il y a un village, avec hôtel, restaurants, et touristes. C’est différent. On voit assez bien au loin, les îles Molène, et même Ouessant.
La pointe Saint Mathieu, et les îles au large. Molène, Ouessant
Je reprend ma route, mais là le vent d’est est pile de face, et c’est avec toutes mes dernières forces que j’arrive à la plage de Portez. J’ai dû éviter Plougonvelin, où j’ai habité en collocation, le Trez Hir, la station balnéaire de Brest déjà à l’époque, je n’ose imaginer ce que c’est devenu.
J’arrive au camping à 19:45. L’accueil semble fermé, mais un type sort du bâtiment d’accueil et me dit que le camping est complet. Je discute et lui propose de m’installer sur un grand emplacement déjà occupé, mais de le partager. Il me dit pourquoi pas, et m’indique l’espace pour les randonneurs, « la forêt ». L’espace est très grand et il n’y a que quelques tentes. Mais on peut y mettre le double. Je ne comprends pas, est ce du cinéma, ou bien? Peu importe, je m’installe, avec une très belle vue sur la baie du Trez Hir. C’est ça qui compte à la fin.