Alors que j’étais en train de sélectionner de la musique pour mes prochains films (non je ne dévoilerai pas de quelle musique il s’agit), je me suis posé cette question. Est ce que la musique influence mes voyages? La question peut paraître saugrenue, mais pourtant la réponse est évidente : oui bien sûr!
Mais maintenant que vous connaissez le meurtrier, refaisons l’histoire comme dans un épisode de Colombo. Qu’est ce qui influence mes voyages? Plein de choses bien sûr, mais pas évident de les lister, entre les envies soudaines, les lectures, les rencontres, les films, Google maps, des voyageurs, il y a une foultitude de choses qui m’inspirent mes voyages. Tenez le prochain, dans le jura, qu’est ce qui me l’a inspiré? Je n’en sais foutre rien! Qui m’a inspiré mon précédent voyage dans les Pouilles? Je n’en sais rien non plus.
Alors comment puis-je je dire que la musique inspire mes voyages? Parce que la musique m’inspire, c’est tout. Et, aussi, la musique m’inspire des films, ou plutôt m’inspire certains plans de mes films. Mais c’est un peu une question de la poule et l’œuf. Par exemple, Sur la route de Madison contient cette scène où Robert et Francesca parlent de Bari, ville natale de Francesca. Ça se situe dans les Pouilles. Mais ce film comporte de la musique d’Ahmad Jamal, qui est le souvenir premier de ce film. Qui savait qu’alors, en 1995, je ferai un jour un voyage dans les Pouilles à vélo, en me remémorant mon ami Dominique allant voir ce film pour, en autre, la musique? Les circonvolutions de la vie, si fascinantes. La vie inspire les envies, et les arts inspirent la vie. C’est dans notre nature d’être humain que de créer des liens entre les choses et les gens et les choses et la vie.
Mais c’est vrai aussi que la musique m’inspire des plans, car bien sûr certaines musiques vont avec certains plans. Quand j’entends de la musique, je me dis qu’elle irait bien avec certains plans : Köln concert avec cette descente en Alsace depuis Ribeauvillé. Parfois c’est pendant le voyage, parfois avant, parfois après. Je ne pourrais pas imaginer un film sans musique. Je comprends le parti pris de certains films de ne pas avoir de musique, de musique « d’accompagnement ». Mais pas moi, je suis souvent en train de fredonner, souvent sans même m’en apercevoir, la musique m’accompagne; la musique va si bien avec certains plans. Elle va bien avec les travellings, bien sûr. Le mot travelling n’a t’il pas été inventé pour évoquer le voyage? Les panoramiques aussi.
Voilà. Je vous donne donc rendez-vous pour mon prochain voyage dans le Jura, avec la musique de …
Ce dernier voyage en Allemagne, en grande partie le long du Rhin, m’a rappelé la première fois que j’ai fait du vélo dans ce pays. C’était avec mon amie Maria. En 1994. Elle habitait alors à Darmstadt, où elle avait commencé ses études d’architecture. Nous étions jeunes! J’étais allé la voir pour un week-end, et Maria m’avait proposé d’aller voir sa grand mère qui habitait à Dexheim, un petit village de l’autre côté du Rhin, en Vélo, de dormir là bas et de revenir le lendemain.
Le trajet aller n’est pas un très bon souvenir de vélo. Le vélo emprunté à un ami de Maria n’était pas à ma taille, ou réglé pour moi. C’était quand même un trentaine de kilomètres, je n’avait alors pas fait ça très souvent. Mais surtout, il s’était mis à pleuvoir pas mal sur le trajet, et j’avais fait une bonne partie du trajet complètement trempé. Pour clôturer le sujet, j’avais crevé un pneu, et bien évidemment nous n’avions pas de matériel pour réparer une crevaison. Nous avions dû sonner à la porte d’une maison au hasard sur la route, pour demander à quelqu’un de nous aider à réparer la roue. La première personne à qui nous avions demandé nous avait aidé (visiblement, les allemands ont tous un vélo et de quoi réparer une roue !). Je me souviens assez bien de cette personne. C’était un homme d’une quarantaine d’année, il avait accepté immédiatement de nous aider, mais je me souviens qu’il avait manifesté très peu d’émotion, il était resté très neutre dans son attitude, et ça m’avait interpellé. Je m’était dis que dans une telle situation, en France, la personne aurait eu un comportement très différent, soit très prévenant, quelque chose comme « Mais bien sûr, pas de problème, je vais vous aider à réparer cette roue, mes pauvres, par ce temps, ce n’est vraiment pas de chance, peut être vous voulez rentrer vous réchauffer à l’intérieur? ». Ou bien à l’inverse, » Ha ben c’est malin! Partir en vélo sans moyen de le réparer. Non désolé je n’ai pas de vélo, je ne peut pas vous aider. Au revoir! ». Ou au minimum une mimique pour exprimer ce qu’il pensait au fond. Mais là, cet homme était resté très neutre, c’était un comportement inhabituel pour moi. En tous cas, avec le niveau de compréhension de l’allemand que j’avais à l’époque. Mais même son « body language » était resté très neutre.
Cette réparation terminée, nous avions atteint Dexheim, et la maison de la grand mère de Maria, qui s’appelait Maria également, comme également la mère de Maria, au passage! Elle nous avait très bien accueillis, elle était visiblement très heureuse de voir Maria, et moi également.
J’ai une image très floue de cette femme. Et je n’ai aucun souvenir de cette soirée, du dîner, je pense que le tout petit niveau d’allemand que j’avais alors (et toujours!) y est pour beaucoup, je n’avais pas dû comprendre grand chose aux discussions. Mais j’ai deux souvenirs très précis.
Le premier fut après qu’on soit allé se coucher. Je crois que nous avions dormi Maria et moi dans un canapé dans le salon. Nous avions éteint les lumières, excepté une toute petite bougie, posée à l’intérieur d’un photophore. Je me souviens parfaitement de ce photophore. Il était posé sur une table basse non loin du canapé. Il était fait de métal, ajouré avec des trous en forme d’étoiles, ou circulaires, je ne sais plus, et d’une couleur assez sombre et neutre (vert, marron?). Et, après, ou pendant, je ne sais plus, que nous faisions l’amour, je regardais ce photophore et la flamme de la bougie, qui éclairait très faiblement les objets environnants, et faisait danser leurs ombres sur nos corps. Ce photophore m’avait beaucoup fasciné, de par son pouvoir d’apporter l’exact niveau de lumière nécessaire, mais surtout son aspect vivant. Il semblait être là avec nous, et participer à nos jeux.
J’ai, chez moi, aujourd’hui, un photophore, très semblable à celui ci, et quand je le vois, je repense immédiatement à cette nuit avec Maria, chez sa grand mère.
Le second souvenir, est le lendemain matin. Nous nous étions levés pour prendre le petit déjeuner. Il y avait beaucoup de chose à manger, mais en particulier, Maria, la grand mère, avait préparé des chaussons en pâte feuilletée, fourrés aux abricots. Vous connaissez peut-être mon amour des abricots, sinon sachez que j’adore les abricots, sous toutes ses formes. J’avais donc été très touché de cette attention, et m’était dis que cette femme était vraiment très attentionnée, pour s’être levé très tôt ce matin là, pour préparer ces chaussons fourrés aux abricots. Je l’avais remercié chaudement. Ce qui est drôle, c’est que j’appris par la suite, de Maria, que sa grand mère n’avait pas été contente du tout de nous voir coucher ensemble chez elle, alors que nous n’étions pas mariés! Je n’avais rien discerné de tel, et d’ailleurs, je ne m’étais alors même pas posé la question. Nous étions décidemment très jeunes.
Voilà pour les souvenirs de ce premier voyage en vélo en Allemagne. C’était il y a bien longtemps, plus de vingt cinq ans, et c’est drôle de voir ce qu’il en reste. De toutes petites choses. A part l’amitié. Maria n’est pas devenue architecte, mais cinéaste. Vous pouvez d’ailleurs voir deux films qu’elle a réalisé il y a quelques années. Le premier s’appelle « Cousin Cousine« , et vous pourrez d’ailleurs y voir sa grand mère. En particulier dans la dernière scène du film, très touchante. Le second est « Brother Sister« . Maria est en cours de préparation d’un autre film, plus ambitieux, où le personnage principal est cette fois-ci son grand père, le mari de Maria. On s’y perd!
Il y a à peu près un an, je me suis mis au vélo en voyage. Le confinement m’a empêché de le faire plus tôt, et c’est véritablement en juillet que j’ai fait mon premier voyage, 4 jours, autour de Paris.
Et puis j’ai continué en Normandie, mais ai été bloqué dans mon élan par la chaleur et cette fameuSe patte de dérailleur cassée à Dunkerque le premier jour de mon voyage en août.
J’ai fait sûrement mon plus beau voyage à ce jour en suivant la Méditerranée, de Banyuls à Menton, parti le lendemain de Noël, pendant onze jours. pourquoi le plus beau? C’était le plus long, c’était en bord de mer, c’était l’hiver, c’était une petite aventure. Il y avait ma famille à l’arrivée et c’était agréable d’être attendu. Il y avait de l’émotion. C’était aussi un peu épique de joindre les deux frontières. Et puis les étapes étaient formidables. Toutes.
J’ai exploré ensuite les environs d’Aix en Provence. Magnifique région, où j’ai pu faire un petit tour du Lubéron sur trois jours et un aller retour dans les gorges du Verdun en deux jours.
J’ai ensuite fais un voyage plus long, en Auvergne et dans le Périgord. 10 jours à peu près, météo maussade dans l’ensemble, mais parcours en Auvergne, ma région, inoubliable. Difficile, des cols à 1500m, mais c’est ce que je voulais.
Enfin je suis parti au mont saint Michel pendant 5 jours. Cette fois ci avec un ami. Expérience forcément différente et bien sympathique comparée au voyage seul que j’avais pratiqué jusqu’à présent.
Pourquoi je fais du vélo de voyage? Parce que ça me nourri. C’est difficilement explicable avec des mots, mais les émotions sont nombreuses et intenses. La découverte de l’inconnu, la découverte de soi, la nature omniprésente. Les images, les odeurs. La liberté surtout. Et comme je dit souvent, le voyage en vélo, c’est en décapotable. Mais c’est ça, ça me nourri, au sens propre du terme. Lors de mon voyage en Méditerranée, les restaurant étaient fermés, et ce n’était pas si facile de trouver à manger. Parfois j’ai du sauter des repas. Jamais je n’ai eu faim. Ça m’a étonné. Certes je ne suis pas un athlète, j’ai des réserves, mais quand même, après 90km de vélo chaque jour, j’aurais dû avoir faim. Et bien, pas tant que ça. Ce que je traversais me nourrissait, je l’ai découvert alors.
En ce moment, je fais mon premier voyage à l’étranger. En Europe, Allemagne, Autriche, et Suisse bientôt. Et c’est magnifique. Je vois d’autres cultures, d’autres pratiques, sans parler des paysages. Le voyage en vélo, c’est sûrement ce que j’ai fais de plus intense depuis ma randonnée dans les Pyrénées (un tiers du GR10).
Qu’est ce qui est mieux entre la randonnée à pied et la randonnée à vélo? Bonne question. C’est différent. L’avantage que je vois à vélo, c’est la vitesse. Le vélo est pour moi le meilleur moyen de transport en Europe. Il permet d’aller suffisamment vite pour explorer. On peut s’arrêter quand on veut, mais si on veut traverser rapidement une zone sans intérêt, ça va vite. On va à 20km/h à peu près, c’est à dire qu’on couvre une distance importante en très peu de temps comparé à la marche.
Après tous ces voyages, je dois avouer que j’ai éprouver un peu de lassitude. Et puis en regardant la carte, en regardant des récits de voyage, j’ai prévu ce présent voyage. Il est un peu nouveau car j’ai prévu tous les hébergements à l’avance. Donc je voyage plus léger, sans tente et duvet,… Aussi, j’ai prévu une étape à Bregenz pour aller voir un opéra, où est construite apparemment, l’été, une scène sur le lac. Ils vont jouer Rigoletto de Verdi. C’est amusant pour moi, aller à l’opéra en vélo, en Autriche. Il faut des projets. A notre époque, c’est vital. Des projets enrichissants. Il y a urgence.