Vélibre

Vélo. Libre. Vélibre.

Et si je retournais sur le lieu où tout a commencé?

Cette étape est émotionnellement intense. Pourquoi? Parce qu’elle passe par l’île Tudy. L’île Tudy est là où j’ai appris la voile, adolescent, mais surtout la planche à voile. J’avais 15 ans quand sont apparues les première planche à voile en Bretagne. Je devais être drôlement motivés et insistants pour que mes parents me paye un cours de plusieurs jours sur cet engin. Nous étions en vacances à l’île Tudy, qui est en fait une presqu’île, je devais m’ennuyer ferme, et ces drôles d’engins jaunes, comme une sorte de requin inversé, nageoire dorsale jouant le rôle de dérive, devait m’hypnotiser. Et surtout de voir les gens monter dessus, tirer sur la voile et partir au large. L’apprentissage était long et pénible, l’équilibre était difficile à obtenir, et surtout que les premiers pratiquants, comme moi, ne connaissaient absolument rien à la voile, et donc, quand ils arrivaient enfin à lever la voile et à partir, tout contents, se faisaient régulièrement emmener par le vent sans pouvoir revenir. Je ne sais pourquoi, je n’ai pas eu trop de mal à apprendre. L’année suivante j’étais à l’école de voile, le matériel avait évolué, le Windsurf était arrivé, nous naviguions sur des planche Oceanite. Et j’ai passé deux semaines à faire de la planche une demi journée tous les jours. Mais ce n’était pas assez. L’année d’après je faisais un stage de planche où on naviguait toute la journée tous les jours. Je ne pensais qu’à ça. Certains jours, le vent soufflait fort, il y avait un mètre de vague, et je continuait à me taper la bourre avec les dériveurs, toute la journée. Le moniteur disait à ma mère qu’il ne savait pas comment, avec mon gabarit, une ablette, je pouvais tenir comme ça toute la journée. À 18 ans, mon premier boulot d’été chez Joseph Gilbert me servit à m’acheter ma première planche à voile, une Crit 630, une planche de régate à la mode. Puis apparurent les petites planches de vague. C’était l’avant dernière année à l’île Tudy. Sur la plage du Treustel. Les jours de grand vent, plus de 20 noeuds, force 4, manipuler des planches de 3m et 6m2 de voile dans les vagues, était presque impossible. Même pour les gaillards comme moi. Et il y avait deux types, seulement, qui continuaient à sortir et faire des allez-retour sur l’eau. Ils avaient des planches plus petites, entre 2m et 2,5m, des voiles plus petites aussi, le matériel était beaucoup plus léger. Et surtout la pratique avait changé. Ils partaient de la plage en tenant la voile debout à deux mains sur le wishbone, attendaient la bonne force de vent, montaient sur la planche et démarraient directement. Et non plus en tirant sur le tireveille comme avant. Il y avait une impression de facilité incroyable. C’était la classe. J’étais littéralement fasciné. Je me vois encore les regarder, aller et venir, alors qu’il n’y avait personne d’autre sur l’eau. L’année suivante j’achetais un BIC show, et je démarrais la planche dans les vagues. C’est à cette époque que j’avais acheté une veste verte de marin, au col doublé de moumoute, au tissu si épais et serré que le vent ne pouvait pas pénétrer. Ça me permettait de rester sur la plage à observer ces gars là sans avoir froid pendant des heures. Puis vint la session à sainte Anne la Palud, puis le stage à l’Ifremer à Brest. Mais tout démarra à l’île Tudy.

C’est dire si cette étape est importante. Une courte étape, départ de Penhors, direction Pont l’Abbé, puis Loctudy. Je ne reconnais pas Pont l’Abbé, mais Loctudy n’a pas changé. Le Port en tout cas. Ce coin est connu pour la pêche aux langoustines, depuis le Guilvinec. Je me souviens qu’on était allé un jour à la criée ici. Puis je prend le bac (j’adore les bacs) pour l’île Tudy. Je prends un aller simple directement sur le bateau. Rien ne semble différent, il y a toujours cette large baie intérieure avec un petit port et des bouées d’amarrage. On ne sait pas à qui ces bouées appartiennent, Loctudy ou l’île Tudy. Arrivée sur la petite place du port, et… eh bien c’est pareil. Les mêmes immeubles, à droite, le petit immeuble où les parents avaient loué un appartement pour la sœur, une copine à ma sœur et moi. Même la couleur est la même. Les mêmes fenêtres en alu. Et puis les cafés qui sont là. Et en particulier celui du fond, avec son phare noir et blanc. C’est là qu’on se retrouvaient avec les autres élèves de l’école de voile, les moniteurs aussi, après les cours. Je crois qu’il y avait un flipper.

J’ai mille souvenirs ici à l’île Tudy. Je ne peux les raconter tous, je ne le peux car il s’agit plus souvent de sensations, de moment, que de vrais souvenirs. Peut être le plus marquant est justement cette année où j’étais avec la sœur. Je faisait un stage de voile cet année là. J’étais pote avec un moniteur, qui avait sa copine au camping. Un soir, parce qui avait accès au hangar, nous prîmes des planches à voile, et partîmes naviguer sur l’eau, de nuit. C’étaient des planche Alusurf, des planches très larges, dont la coque était en aluminium, et creuse. Nous partîmes de derrière la presqu’île, sortîmes du port, et allâmes jusqu’au phare de Loctudy. En revenant, nous vinrent devant la grande plage de l’île Tudy, et parce qu’il avait déjà repéré le coin, nous allâmes relever des casiers à crabe et araignées de mer. Nous remontâmes notre butin sur le devant des planches, accroché avec des bouts qu’on avait du préparer. Et nous rentrâmes à la maison. Je me souviens de ce retour, la nuit, la vision de la côte, éclairée de quelques lumières de maisons seulement, les étoiles, pas de lune, et la planche qui glissait sur l’eau avec un son un peu creux des vagues sur la planche. C’était absolument magique. Je crois qu’en rentrant on s’était un peu fait engueuler par ma sœur, parce que bien sûr c’était interdit. Mais nous nous étions régalés avec les araignées !

Je tourne dans les ruelles de l’île Tudy, les souvenirs reviennent les uns après les autres. C’est le moment le plus émouvant de ce voyage. Ma sœur va probablement pleurer en lisant ces lignes et visionnant ces photos.

Je quitte l’île Tudy, par la plage du Treustel, et vais vers Sainte Marine et Bénodet. Fort heureusement, les dunes qui séparent l’île Tudy et Sainte Marine sont intactes, il y a une piste cyclable en sable dur qui permet de longer la mer. Je connais assez peu Sainte Marine, et c’est un super joli village qui est resté aussi tel quel. Assez, voire, très bourgeois, très différent du public de l’île Tudy, plus populaire. C’était déjà comme ça à l’époque. Les choses changent peu finalement. Je prends de nouveau un bac (j’adore les bacs), pour passer à Bénodet. C’est une des premières stations balnéaires bretonnes, dès le XIXème siècle. C’est aussi la ville d’Éric Tabarly, et de son Pen Duick VI. Personnellement, je n’aime pas trop cette ville, elle n’a pour moi pas grand chose d’authentique, ici on pourrait être un peu n’importe où. Je passe mon chemin donc, et vais finir cette journée à la pointe de Mousterlin. Je suis sur la Riviera bretonne maintenant donc les campings sont chers et sans âme. Un changement d’ambiance se présente maintenant…

Le front de mer à Bénodet

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Commentaires

2 réponses à “Et si je retournais sur le lieu où tout a commencé?”

  1. Avatar de Fernies
    Fernies

    Mousterlin, j’y étais en décembre avec toute la (nouvelle) famille… Un vent et un froid de folie, rien que sur la plage… Sinon j’ai rêvé que je voulais habiter à Brest cette nuit, tu m’influences mon cher François, car au réveil je me suis dit : mais non pas du tout, je ne veux pas habiter à Brest !

    1. Avatar de François

      La Bretagne est universelle! C’est encore les korrigans qui t’ont joué un vilain tour, mon cher Dominique.

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