Vélibre

Vélo. Libre. Vélibre.

La côte des légendes #2

Il fallait deux étapes pour cette côte. C’est la côte que je préfère en Bretagne. Peut être celle que je connais le mieux aussi. Celle à j’allais faire de la planche à voile quand je travaillais à l’Ifremer. C’était une époque quand même bénie pour moi. Je suis arrivé en DEA (équivalent Master2), en stage, j’y suis resté pour mon service militaire, à l’école navale où j’étais professeur de mécanique des solides, grâce à l’Ifremer, qui m’a créé un poste de scientifique du contingent en collaboration avec l’école navale. J’ai quand même eu une énorme chance. Et puis j’ai enchaîné avec une thèse de doctorat financée par l’Ifremer, à propos de l’amortissement des vibrations dans les matériaux composites verre-epoxy. Quand j’y pense, c’est quand même drôle, parce que ces matériaux sont des matériaux très rigides, et qui amortissent très peu les vibrations. Un comble quand même d’aller mesurer leur capacité à amortir les vibrations. Enfin, ça m’a occupé en tout 5 ans avec des périodes à Paris et des périodes à Brest. Et ça m’a permis de découvrir cette côte nord (on l’appelait comme ça).

C’était la période du Minitel. Il y avait un service météo France, qui annonçait donnait les prévisions de vents. Vers 11h, on s’agglutinaient devant le terminal. On composait le 3615 météo (probablement), et il y avait une carte qui se dessinait sur l’écran avec des petits rectangles. Je pense que la définition devait être de 100×100, maximum. Mais ça marchait. Ça donnait la force et la direction du vent, en noeuds, dans les stations météo de la côte. S’il y avait plus de 15 noeuds, on décidait de prendre notre après midi. Vers midi, on partait, on allait à la maison charger le material dans la voiture, on passait prendre un sandwich, et on partait. À peu près 30-45 minutes dans mon souvenir. On arrivait, on estimait la force du vent, on choisissait la voile appropriée, et on partait naviguer, toute l’après midi. On rentrait complètement lessive, au sens propre, par la force des éléments, le vent, les vagues, le soleil, le froid aussi. Je me souviens de cette sensation, dans la voiture, au retour vers Brest, d’être lavé de tout. D’être complètement neuf. « Bon! ».

Bon, ce n’était pas tous les jours non plus! Et on allait travailler le week-end pour récupérer. Non, on était sérieux.

Départ de Sainte Marguerite après une petite session d’observation des nouveaux adeptes des engins de plage, kite surf, wing foil, et encore quelque planches à voile. Mais le vent est d’Est, de terre, donc ce n’est pas très sérieux de naviguer ici, avec cette direction du vent. Nous , on ne faisait pas ça. Avec ce vent là, on serait allé à Tréompan. Pour avoir un vent qui nous ramène vers la terre en cas de problème, de casse matériel en particulier. Donc direction Tréompan. Ou Lampaul-Ploudalmézeau. Je ressort des dunes, je m’aperçois qu’il y a pas mal de maisons construites ici maintenant. À l’époque c’était beaucoup plus sauvage.

Le vent souffle très fort, ça moutonne sur l’Aber Wrac’h. Je prend la route pour sortir de la presqu’île, jusqu’à rejoindre la route vers Treglonou, puis Saint Pabu. Là, c’est plutôt vent dans le dos, donc je file. J’emprunte de petite routes, mais j’arrive assez vite à Lampol-Ploudal. Il y a une tonne de gens qui naviguent. Avec tous les engins actuels. Je regarde ce spectacle, qui me replonge dans cette époque. Les gestes n’ont pas changés, les allures non plus. Les gens remontent vers la dune une fois qu’ils ont navigué, exténués, ébouriffés. À mi-pente, ils se retournent pour admirer le spectacle. Avec des pensées contradictoires. J’y retourne! C’était trop bon!

Je quitte Tréompan et me dirige vers Portsall. C’est un petit port, à l’ouest, où on allait boire un coup après l’effort. C’est au large de Portsall que s’est échoué l’Amoco Cadix. Cette tragédie a touché tous les français, les images étaient terribles, c’était la première marée noire d’ampleur en France. Mais pour les gens du coin, c’était encore plus terrible. Ces splendides plages et dunes étaient ravagées. Les oiseaux…

Pour fêter mon retour ici, et la disparition du pétrole, je m’offre une douzaine d’huîtres. À cette heure, mi après-midi, c’est tout ce qu’ils peuvent me servir. Mais c’est juste parfait. j’adore les huîtres.

Je quitte maintenant ce coin pour me diriger vers la pointe Saint Mathieu. C’est une des pointes emblématiques de Bretagne. Avec une abbaye abandonnée. Je traverse les villages, d’abord sur la côte, Argenton, Porspoder, Lanildut, puis à l’intérieur, Plouarzel, Ploumoguer. J’évite le Conquet, avec la plage des blancs sablons, où j’ai fait quelques footings avec Marc. Je vous conseille cette plage, une des plus belles plages que je connaisse.

J’ai contacté un camping, je dois arriver avant 19:30. Mais le vent s’est d’est est vraiment fort, et ça va être difficile. J’arrive à la pointe Saint Mathieu, enfin. Mais ça a bien changé. C’était à l’époque assez sauvage, l’abbaye, le phare et c’est tout. Maintenant il y a un village, avec hôtel, restaurants, et touristes. C’est différent. On voit assez bien au loin, les îles Molène, et même Ouessant.

La pointe Saint Mathieu, et les îles au large. Molène, Ouessant

Je reprend ma route, mais là le vent d’est est pile de face, et c’est avec toutes mes dernières forces que j’arrive à la plage de Portez. J’ai dû éviter Plougonvelin, où j’ai habité en collocation, le Trez Hir, la station balnéaire de Brest déjà à l’époque, je n’ose imaginer ce que c’est devenu.

J’arrive au camping à 19:45. L’accueil semble fermé, mais un type sort du bâtiment d’accueil et me dit que le camping est complet. Je discute et lui propose de m’installer sur un grand emplacement déjà occupé, mais de le partager. Il me dit pourquoi pas, et m’indique l’espace pour les randonneurs, « la forêt ». L’espace est très grand et il n’y a que quelques tentes. Mais on peut y mettre le double. Je ne comprends pas, est ce du cinéma, ou bien? Peu importe, je m’installe, avec une très belle vue sur la baie du Trez Hir. C’est ça qui compte à la fin.


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