Ce dernier voyage en Allemagne, en grande partie le long du Rhin, m’a rappelé la première fois que j’ai fait du vélo dans ce pays. C’était avec mon amie Maria. En 1994. Elle habitait alors à Darmstadt, où elle avait commencé ses études d’architecture. Nous étions jeunes! J’étais allé la voir pour un week-end, et Maria m’avait proposé d’aller voir sa grand mère qui habitait à Dexheim, un petit village de l’autre côté du Rhin, en Vélo, de dormir là bas et de revenir le lendemain.

Le trajet aller n’est pas un très bon souvenir de vélo. Le vélo emprunté à un ami de Maria n’était pas à ma taille, ou réglé pour moi. C’était quand même un trentaine de kilomètres, je n’avait alors pas fait ça très souvent. Mais surtout, il s’était mis à pleuvoir pas mal sur le trajet, et j’avais fait une bonne partie du trajet complètement trempé. Pour clôturer le sujet, j’avais crevé un pneu, et bien évidemment nous n’avions pas de matériel pour réparer une crevaison. Nous avions dû sonner à la porte d’une maison au hasard sur la route, pour demander à quelqu’un de nous aider à réparer la roue. La première personne à qui nous avions demandé nous avait aidé (visiblement, les allemands ont tous un vélo et de quoi réparer une roue !). Je me souviens assez bien de cette personne. C’était un homme d’une quarantaine d’année, il avait accepté immédiatement de nous aider, mais je me souviens qu’il avait manifesté très peu d’émotion, il était resté très neutre dans son attitude, et ça m’avait interpellé. Je m’était dis que dans une telle situation, en France, la personne aurait eu un comportement très différent, soit très prévenant, quelque chose comme « Mais bien sûr, pas de problème, je vais vous aider à réparer cette roue, mes pauvres, par ce temps, ce n’est vraiment pas de chance, peut être vous voulez rentrer vous réchauffer à l’intérieur? ». Ou bien à l’inverse, » Ha ben c’est malin! Partir en vélo sans moyen de le réparer. Non désolé je n’ai pas de vélo, je ne peut pas vous aider. Au revoir! ». Ou au minimum une mimique pour exprimer ce qu’il pensait au fond. Mais là, cet homme était resté très neutre, c’était un comportement inhabituel pour moi. En tous cas, avec le niveau de compréhension de l’allemand que j’avais à l’époque. Mais même son « body language » était resté très neutre.
Cette réparation terminée, nous avions atteint Dexheim, et la maison de la grand mère de Maria, qui s’appelait Maria également, comme également la mère de Maria, au passage! Elle nous avait très bien accueillis, elle était visiblement très heureuse de voir Maria, et moi également.
J’ai une image très floue de cette femme. Et je n’ai aucun souvenir de cette soirée, du dîner, je pense que le tout petit niveau d’allemand que j’avais alors (et toujours!) y est pour beaucoup, je n’avais pas dû comprendre grand chose aux discussions. Mais j’ai deux souvenirs très précis.
Le premier fut après qu’on soit allé se coucher. Je crois que nous avions dormi Maria et moi dans un canapé dans le salon. Nous avions éteint les lumières, excepté une toute petite bougie, posée à l’intérieur d’un photophore. Je me souviens parfaitement de ce photophore. Il était posé sur une table basse non loin du canapé. Il était fait de métal, ajouré avec des trous en forme d’étoiles, ou circulaires, je ne sais plus, et d’une couleur assez sombre et neutre (vert, marron?). Et, après, ou pendant, je ne sais plus, que nous faisions l’amour, je regardais ce photophore et la flamme de la bougie, qui éclairait très faiblement les objets environnants, et faisait danser leurs ombres sur nos corps. Ce photophore m’avait beaucoup fasciné, de par son pouvoir d’apporter l’exact niveau de lumière nécessaire, mais surtout son aspect vivant. Il semblait être là avec nous, et participer à nos jeux.

J’ai, chez moi, aujourd’hui, un photophore, très semblable à celui ci, et quand je le vois, je repense immédiatement à cette nuit avec Maria, chez sa grand mère.
Le second souvenir, est le lendemain matin. Nous nous étions levés pour prendre le petit déjeuner. Il y avait beaucoup de chose à manger, mais en particulier, Maria, la grand mère, avait préparé des chaussons en pâte feuilletée, fourrés aux abricots. Vous connaissez peut-être mon amour des abricots, sinon sachez que j’adore les abricots, sous toutes ses formes. J’avais donc été très touché de cette attention, et m’était dis que cette femme était vraiment très attentionnée, pour s’être levé très tôt ce matin là, pour préparer ces chaussons fourrés aux abricots. Je l’avais remercié chaudement. Ce qui est drôle, c’est que j’appris par la suite, de Maria, que sa grand mère n’avait pas été contente du tout de nous voir coucher ensemble chez elle, alors que nous n’étions pas mariés! Je n’avais rien discerné de tel, et d’ailleurs, je ne m’étais alors même pas posé la question. Nous étions décidemment très jeunes.
Voilà pour les souvenirs de ce premier voyage en vélo en Allemagne. C’était il y a bien longtemps, plus de vingt cinq ans, et c’est drôle de voir ce qu’il en reste. De toutes petites choses. A part l’amitié. Maria n’est pas devenue architecte, mais cinéaste. Vous pouvez d’ailleurs voir deux films qu’elle a réalisé il y a quelques années. Le premier s’appelle « Cousin Cousine« , et vous pourrez d’ailleurs y voir sa grand mère. En particulier dans la dernière scène du film, très touchante. Le second est « Brother Sister« . Maria est en cours de préparation d’un autre film, plus ambitieux, où le personnage principal est cette fois-ci son grand père, le mari de Maria. On s’y perd!
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