NB jour 5 : Le Puy Mary

Aujourd’hui c’est l’autre grande étape d’Auvergne, en termes d’altitude. Ascension du col du pas de Peyrol, autrement dit le Puy Mary. C’est assez mythique pour moi, pas parce que le Tour de France est passé par là l’année dernière, mais parce que c’est simplement mythique pour les auvergnats. Parce que c’est sauvage, brut. De la vrai montagne. Et bien sûr, parce que je me souviens être venu là petit garçon, et j’ai un souvenir d’être perdu, dans un territoire pas du tout familier.

Aussi, c’est la dernière étape auvergnate. Et donc je sais que les émotions éprouvées ici, tous ces souvenirs d’enfance, et bien vont laisser place à l’inconnu ensuite, l’Auvergne va refermer sa porte derrière moi. Donc un peu de nostalgie aussi, déjà.

Je me lève et il pleut sur le lac des moines. Pas une grosse pluie, même une toute petite pluie, mais qui ride néanmoins la surface du lac. les jambes sont quand même un peu raides après l’étape de la veille. Départ vers 11h, ça me prends décidément du temps de faire mes sacs chaque jour. Mais aujourd’hui, je parviens à fixer parfaitement mon sac avant, qui m’a causé des soucis depuis le début. Je le comprime suffisamment pour qu’il laisse de la place pour les leviers de changement de vitesse, qu’il laisse suffisamment de place pour saisir les drops du cintre, et suffisamment écarté du tube de cadre pour qu’il ne l’endommage pas en venant plaquer la durite de frein avant contre lui. Tout ça grâce à la petite garcette qui vient relever le package avant, en faisant bras de levier à partir de la potence. Un miracle. La journée commence bien. La pluie c’est arrêtée et la surface du lac est maintenant un miroir.

C’est parti. Le Puy Mary est un peu au delà de la moitié de l’étape qui doit s’arrêter à Aurillac. 78km, 1000m de dénivelé, dont 600m pour passer le col du pas de Peyrol, à 1589m. Grosse étape. Vais je y arriver? Le doute me trotte dans la tête toute la matinée. Encore une fois je n’ai jamais fait ça. L’autre question est : est ce que je déjeune avant la montée. Mon expérience de la veille m’a montré que si je m’arrête, alors il est très difficile de repartir.

Grosse montée depuis Condat, 300m de dénivelé, pour arriver sur le plateau à Lugarde. Je me sens bien, le temps est bon. Je me dit que je vais peut être tenter de déjeuner en arrivant en haut, et juste manger des barres pour l’effort. Ou bien que je vais camper au pied, et passer le col demain. J’avance dans cette incertitude. Le spectacle est magnifique, c’est une sorte de paysage alpin mais pas vraiment. La forêt avec des arbres tous d’un vert différent laisse place à des pâturages à vaches, qui semblent plus peureuses que celles rencontrées jusqu’à présent. Je sens que le cycliste est moins bien connu dans ces coins là. J’approche maintenant du Puy Mary, et il devient vraiment impressionnant, très raide, sauvage, au milieu d’un cirque qu’on pourrait penser infranchissable. Un peu comme Gavarnie. Ses flans orientés nord sont encore lourdement enneigés. On voit bien que c’est lui le patron, c’est lui qui décide si on passe, ou pas.

L’ascension se fait en trois parties : d’abord le col de Serre, à 1335m, pendant 6,5km, et une pente à 6% de moyenne. Puis viens une ascension beaucoup moins raide, à 2,5%, jusqu’au col d’Eylac, en dessous de la brèche de Roland. Puis vient enfin la dernière partie, à flanc du Puy Mary, à 9% pendant 2km. Ces chiffres sont des moyennes. Donc il y a des passages beaucoup plus raides.

Je m’arrête à 3km du début de la montée. J’essaye de faire le plus vite possible pour manger sans me refroidir. Une barre pour la puissance, une autre pour l’oxygénation, des abricots secs, des noix de cajou. Et j’attaque. Le démarrage se passe bien, c’est dur mais tenable. Quelques arrêts pour souffler, une ou deux minutes, et je reprend. Mais quand je passe le panneau « 1km, 9% », je prends un coup au moral et décide de continuer à pied. Le problème de marcher, c’est que remonter en vélo en pleine côte est difficile. Néanmoins l’inclinaison baisse un peu, et je remonte sur le vélo, et termine l’ascension du col de Serre sur le vélo, en mobilisant tout mon mental. Il y a un bâtiment où je pourrais m’arrêter prendre un café, mais il est fermé donc je continue. La deuxième section est jouissive. A 2,5%, j’ai l’impression d’aller hyper vite, sans effort. Jusqu’au col d’Eylac. Je croise pas mal de marcheurs qui descendent du pas de Peyrol. On se salut. Certains on l’air admiratifs, d’autres rigole un peu, en se disant qu’il faut être un peu cinglé . J’attaque la dernière section à 9% de moyenne, mais qui très vite passe à 13%. J’ai appris mes limites : à 8%, je passe à vélo, à 9% c’est limite, mais à 13%, je m’avoue vaincu. Avec 10 ou 12kg de bagages, plus probablement 3 ou 4kg sur le dos, plus le bonhomme, ce n’est pas pareil que sans rien. Je termine donc à pied jusqu’au sommet. J’ai juste remis mon coupe vent, pour monter, il fait assez froid, et c’est au milieu des névés que je termine l’ascension.

Je ne suis pas aussi heureux qu’hier, parce que je ne suis pas entièrement arrivé au sommet en vélo, mais quand même je suis bien heureux d’être là. J’arrive en même temps qu’un autre cycliste qui lui arrive en vélo, depuis le versant sud à partir de Salers. Il est content d’arriver. Il a lâché ses deux compagnons dans la montée. Je lui demande s’il n’y a pas trop de vent, car je vois que je dois prendre une route de crête pour la descente, ouverte à un moment à tous les vents. Il me rassure en me disant qu’il n’a eu du vent qu’en arrivant au sommet.

Légèrement rassuré, je rentre dans le restaurant et commande un cornet de truffade et une bière. Un couple est là et visiblement cherche à commander un taxi, avec l’aide du patron. Je m’installe dehors et craint que le vent ne renverse mon verre de bière. Le panorama sur la vallée, au nord, est magnifique. Il y a deux vallées en fait, celle d’où je viens, et celle partant vers Dienne. Les puys tout autour sont impressionnants. Les couleurs surtout sont différentes, entre pâturages, forêts aux mille verts, et les sommets arides bruns, et encore partiellement couverts de neige. Je remarque qu’on voit bien en cette saison, la végétation qui est repartie, et puis au fur et à mesure qu’on monte, les arbres ont de moins en moins de feuilles. Le panorama vers le sud est magnifique aussi, mais plus sauvage et aride, plus abrupts encore.

Mon déjeuner terminé, je rentre au restaurant payer. Le couple est toujours là et cherche toujours à commander un taxi. Ils m’expliquent qu’ils marchent depuis 7h déjà, mais se sont trompés de GR, et ont fait 4h de plus que prévu. Ils se sentent incapables de faire maintenant les 10km de descente qui les séparent de leur refuge. J’essaye de les rassurer comme je peux, en leur assurant qu’un taxi viendra, ou bien qu’une voiture les prendra. C’est d’ailleurs cette dernière option qu’ils tentent, pas très rassurés du succès.

Je reprends mon vélo, j’ai déjà enfilé ma veste sous mon coupe vent, et je garde le masque parce que ça tient chaud! Et c’est parti pour la descente, jusqu’à Aurillac. Et quelle descente! 37km! Le début est presque plat, sur une crête, et on peut admirer le cirque en contre bas vers le Falgoux, puis la route plonge dans la vallée qui mène à Mandailles. Elle devient alors beaucoup plus raide. Une telle descente n’est pas de tout repos. La route est suffisamment large, mais néanmoins il y a pas mal de virages en épingle, et il faut bien maîtriser sa vitesse. Les freins à disque pouvant chauffer très rapidement, il faut juste donner des petits coups de temps en temps. Technique très différente des freins à patins traditionnels. Mais une telle descente reste grisante, et j’essaye de capter les meilleurs moments en vidéo.

Bientôt, la pente faiblit et c’est sur le plat que je termine à Aurillac. Sûrement la descente la plus longue de ma vie. Je suis d’ailleurs un peu groggy en arrivant, je viens de me faire près de 1000m de dénivelé négatif en un peu plus d’une heure trente.

Voilà je suis à Aurillac. Je pense à mon ami Dominique qui est né ici, mais à fui bien vite pour aller à Clermont puis Paris, où nous nous sommes rencontrés il y a près de 40 ans maintenant. Encore de nombreux souvenirs.

L’Auvergne s’arrête là, et je vais maintenant aborder une autre phase de mon voyage. Elle sera totalement différente. Je suis hyper satisfait de cette première partie. Le temps n’a pas été très favorable, mais néanmoins j’ai l’impression d’être parti depuis très longtemps de Nevers. Et je dois dire que je suis aussi fier d’avoir traversé tout le massif central en vélo. Je ne m’en serais pas senti capable il y a encore deux mois. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que ça raviverait autant de souvenirs d’enfance enfouis. Ce voyage, encore une fois, m’a profondément nourri. Et ce n’est pas fini! Un vrai voyage Velibre.


En savoir plus sur Vélibre

Subscribe to get the latest posts sent to your email.


Commentaires

N’hésitez pas à partager vos impressions!